• Les conditions de travail en débat

    Un "team booster" digne d'un mauvais bizutage où les salariés étaient appelés à marcher pieds nus sur du verre brisé !!! 
     
    Le marché du développement personnel (séminaires de motivation,  coaching, team building, etc.) voit fleurir toutes sortes de techniques qui suscitent bien des interrogations quant au sérieux et à la bienveillance des organisateurs. Cela aboutissant parfois à des signalements auprès de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. (Dérives sectaire et vie professionnelle).
     
    D'un autre point de vue, organiser un team booster pour souder les équipes et inviter les salariés à se surpasser, (plutôt que de les payer mieux et leur assurer tout simplement de bonnes conditions de travail ?) pourquoi pas, mais il ne faut pas porter atteinte à leur santé et leur sécurité.
     
    En l'espèce, un manager avait organisé pour des cadres un team booster au contenu manifestement inapproprié. La dernière épreuve (dont la pertinence peut sans doute échapper au commun des mortels) consistait à « casser tour à tour une bouteille en verre enroulée dans une serviette à l’aide d’un marteau, à déposer le verre brisé sur un morceau de tissu étendu au sol et à faire quelques pas sur le verre ainsi brisé pieds nus ».
    Or, l'un des salariés avait refusé d’y participer. Il était « sorti de la salle en larmes » puis « obligé de donner les raisons de son refus devant l’assemblée », et de révéler ainsi qu'il était porteur d’une pathologie.
    Dès le lendemain, il avait alerté le médecin du travail et la responsable RH de ce qu'il avait subi et de sa crainte de représailles de son manager sur son bonus annuel.
    D'autres salariés ayant révélé « que si l’activité était basée sur le volontariat, certains ont estimé devoir être obligés de participer sous la pression du groupe et qu’il était évident qu’il y avait des risques de coupures », l’employeur a licencié pour faute grave le manager en charge du team booster au motif de son manquement à son obligation de sécurité.
    En effet, il incombe à chaque salarié de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (art. L.4122-1 c. trav.).
    Les juges ont retenu que la faute du salarié avait consisté à ne pas intervenir durant le stage pour préserver l'intégrité physique et psychique de ses collaborateurs, en méconnaissance de ses obligations résultant des dispositions de l'article L.4122-1 du code du travail, rappelées au règlement intérieur de l'entreprise ;
    Son licenciement pour faute grave était donc justifié.
    (Cass. soc. 23 octobre 2019, n° 18-14260)
     
     
    Malaise au travail, Burn Out, et s'il s'agissait d'un accident du travail ?Selon une étude de l’Assurance maladie, (Santé travail : enjeux & actions janvier 2018), on y apprend entre autres, que plus de 10 000 affections psychiques ont été reconnues en 2016 au titre des accidents du travail ; que la part des affections psychiques dans l’ensemble des accidents du travail a progressé entre 2011 et 2016 de 1 % à 1,6 %. Qu’une affection psychique peut également être reconnue au titre d’une maladie professionnelle et que le nombre de cas reconnus a été multiplié par 7 en 5 ans. L’impact avéré sur la santé des victimes représente un coût d’environ 230 M€ pour la branche AT/MP.
    Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise (art. L.411-1 c. sec. soc.)
    Il peut s’agir d’un événement soudain ou d’une série d’événements survenus à des dates certaines dont il résulte une lésion corporelle (cass. soc. 2 avr. 2003, n° 00-21768) ou psychologique (cass. 2e civ., 22 févr. 2007 n° 05-13771). Un malaise survenant sur le lieu de travail et pendant le temps de travail est donc présumé être un accident du travail. Toutefois, l’employeur et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie peuvent contester cette présomption en prouvant que le malaise a une cause totalement étrangère au travail.
    Dès lors que les conditions de travail ont eu une incidence dans la cause du malaise, il sera considéré comme imputable au travail (cass. soc. 12 oct. 1995 n° 93-18395 ; cass. 2e civ. 16 déc. 2003 n° 02-30959) même si le salarié était souffrant avant de prendre son poste (cass. Soc. 2 oct. 2008 n° 07-19036).
    « Comme en matière d’accident atteignant l’intégrité physique déjà usée par les gestes professionnels d’un salarié, un accident atteignant son psychisme peut revêtir le caractère de soudaineté lié à un évènement précis de travail alors même que l’apparition d’une pathologie est progressive » (TASS Dijon, 17 décembre 2002 M. X contre Sté Roland France et a).
    En revanche, la présomption d’imputabilité peut être écartée lorsque la preuve est rapportée que l’accident est dû à une pathologie préexistante et totalement étrangère au travail (cass. 2e civ. 12 mai 2011 n° 10-15727) ou que l’état pathologique préexistant, évoluait sans aucune relation avec le travail (cass. 2e civ. 6 avr. 2004 n° 02-31182).
    L’état de santé du salarié doit être constaté médicalement.
    Ont été reconnus comme accident du travail :
    La dépression nerveuse apparue soudainement deux jours après un entretien d’évaluation au sujet d’un changement d’affectation, était consécutive, selon l’expertise médicale, à cet entretien, les juges en ont déduit qu’il s’agissait d’un accident du travail (cass. 2e civ. 1 juillet 2003 n° 02-30576) ;
    Le malaise survenu au cours d’un entretien avec une responsable de la société, le médecin consulté le jour même ayant constaté un choc psychologique et prescrit un arrêt de travail (cass civ. 2, 4 mai 2017 n° 15-29411) ;
    L’état de stress consécutif à une agression du salarié. Le certificat médical, établi six jours après, mentionnait la nécessité d’un traitement et d’un suivi psychologique. Les troubles présentés étaient la conséquence du choc émotionnel provoqué par l’agression intervenue sur le lieu de travail (cass. 2e civ. 15 juin 2004 n° 02-31194).
    Un salarié ne peut pas être sanctionné en raison de son état de santé. Le salarié a le droit de quitter son poste sans l’autorisation de l’employeur et ne peut être sanctionné de ce fait s’il se trouve placé en arrêt de travail le jour même, il ne s’agit pas d’un abandon de poste (cass. soc. 22 mars 2017, n° 15-20980). Dès lors qu’il a pour origine un motif de santé, le fait de quitter son poste en raison de son état de santé afin de consulter un médecin ne constitue pas, en soi, une faute de nature à justifier le licenciement (cass. soc. 3 juillet 2001 n° 99-41738).
    L’employeur ne peut pas empêcher un salarié de quitter l’entreprise. « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (art. L.1121-1 c. trav.).
    Tout au plus, en cas de grave malaise empêchant manifestement le salarié de se déplacer sans danger, l’employeur doit appeler les secours (art. R.4224-16 c. trav.). Un salarié subissant un choc psychologique peut « péter les plombs », par exemple, à la suite de remarques insupportables ou de provocations : Un employeur avait rompu précipitamment le contrat de travail d’une salariée pour faute grave en soutenant qu’elle n’avait pas supporté les remarques qui lui avaient été faites, qu’elle s’était emportée, montrée arrogante et incorrecte, qu’elle avait refusé de reprendre son travail et avait quitté les lieux en claquant la porte. La salariée a fait valoir qu’elle avait quitté son poste en raison de son état de santé afin de consulter un médecin et qu’elle avait produit un certificat médical lui prescrivant un arrêt de travail, ce qui pour les juges ôtait à ses agissements leur caractère gravement fautif (cass. soc. 13 nov. 2008 n° 07-40784).
    Excédé par les provocations de son employeur, un salarié l’a injurié devant témoins et lui a lancé les clefs du véhicule de l’entreprise en pleine figure. Si la matérialité des faits reprochés au salarié était établie, il existait à tout le moins un doute sur les circonstances dans lesquelles ils s’étaient produits, notamment en raison de l’attitude de l’employeur confinant à de la provocation, la cour d’appel a pu en déduire qu’au regard de l’ancienneté du salarié et de leur caractère isolé, ces faits n’empêchaient pas le maintien du salarié dans l’entreprise et ne constituaient pas une faute grave ; qu’exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du Code du travail, elle a estimé que le licenciement ne procédait pas d’une cause réelle et sérieuse (cass. soc. 9 juillet 2015 n° 13-21528).
    Rôle des représentants du personnel : Une réunion supplémentaire du CSE (art. L.2315-27 c. trav.) doit être organisée notamment à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ou à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel.
    Le droit d’alerte des membres du CSE (art. L.2312-59 c. trav.) peut être mis en œuvre pour mener une enquête conjointe avec l’employeur dès lors qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché. Cela peut notamment résulter de faits de harcèlement, de toute mesure discriminatoire, entre autres, en matière de sanction ou de licenciement. Toutefois, l’exercice du droit d’alerte des délégués du personnel ne saurait, à lui seul, faire échec au pouvoir disciplinaire de l’employeur en l’absence d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles (cass soc 9 février 2016 n° 14-18567).
    L’inspection du travail peut intervenir. Ses agents de contrôle sont, entre autres, chargés de veiller à l’application du Code du travail et concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, ils peuvent constater les infractions commises en matière de discriminations, les délits de harcèlement (art. L.8112-1 à L.8112-4 c. trav.). La médecine du travail Le médecin du travail peut être consulté à tout moment par le salarié lui-même qui peut demander un examen médical (art. R.4624-34 c. trav.).
    L’employeur doit respecter les recommandations ou préconisations du médecin du travail sauf à manquer à son obligation de sécurité, ce qui justifie sa condamnation au versement de dommages et intérêts (cass soc 28 janvier 2010 n°08-42616 ; cass soc 27 septembre 2017 n°15-28605).
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